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Interview de Gérard Basset, Meilleur Sommelier du Monde 2010, installé au Royaume-Uni.

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vendredi 10 juillet 2015

Parlez nous de votre parcours…

J’ai commencé par un CAP de cuisinier et de serveur. En même temps, je me suis dit que pour avoir une formation complète, c’était bien d’avoir aussi le diplôme de sommelier. Je l’ai donc passé en candidat libre et je l’ai eu.

 

Gérard Basset, meilleur sommelier du monde en 2010

Un peu par hasard alors ?

Tout à fait ! Le métier de sommelier pour moi, c’est un peu comme la Grande-Bretagne, où je vis depuis presque 30 ans : je suis tombé dedans par hasard quand j’étais jeune, et je ne les ai jamais quittés !

Finalement, j’ai facilement réussi mes débuts dans ce métier. Ça m’a donné envie de continuer. Je me suis dit « le vin c’est ma voie, je vais me donner à fond pour atteindre le sommet « . Je me suis ensuite lancé dans le business des hôtels spécialisés dans le vin, et je continue toujours à passer des concours.

Dont celui de meilleur sommelier du monde que vous avez remporté en 2010…

Oui ! Après beaucoup d’années de travail ! Plusieurs fois, je suis arrivé à la deuxième place du concours. Mais j’ai persévéré ! C’est tout de même beaucoup d’efforts et de temps. Les épreuves sont difficiles : dégustation à l’aveugle, test de connaissances, service, accords des vins… Il faut être une encyclopédie vivante sur les vins, les bières, les spiritueux du monde entier ! Il faut aussi beaucoup d’entraînement et de dégustations pour pouvoir reconnaître un vin au hasard. C’est un sport ! D’ailleurs, j’ai eu des coachs professionnels pendant des mois et des mois. Pendant tout ce temps, heureusement que mon épouse était là pour me soutenir.

Sommelier, un métier typiquement français ?

C’est sûr que le métier de sommelier est lié à la France. Il s’agit d’une filière qui a explosé dans les années 1960 en France avec l’apparition de hauts lieux de la gastronomie étoilée, notamment Bocuse ou Troisgros. Mais les autres pays ont rattrapé le niveau. On trouve maintenant de très bons restaurants partout et beaucoup de sommeliers exercent désormais au Japon ou aux Etats-Unis. Cette dimension internationale n’a malheureusement pas encore été pleinement intégrée à la formation de sommelier en France. Les études françaises sont basées à 90% sur les vins français alors qu’un sommelier japonais étudie les vins du monde entier. Mais c’est en train de changer.

L’art de vivre et la gastronomie française en trois mots ?

L’élégance. L’intensité du goût. La sophistication ? Il y a toujours un vrai ceremonium autour du repas français : la présentation, la vaisselle, le service… Disons que le mot « soigné » est peut-être plus adapté.

Quelles sont les attentes des consommateurs anglais vis-à-vis des vins français ?

Les Anglais ont une bonne culture du vin, ils sont très demandeurs d’explications et veulent apprendre : sur les cépages, sur les accords entre vins et plats. Ils commencent à bien s’y connaître. Il faut dire qu’il y a 30 ans, les vins français dominaient largement le marché en Grande-Bretagne. Les Anglais sont particulièrement friands de Bordeaux et des vins du Sud-Ouest en général.

Globalement, je remarque qu’avec les clients qui dépensent beaucoup d’argent au restaurant, les choix se portent neuf fois sur dix sur des vins français : des grands crus de Bordeaux ou de Champagne. C’est le côté « excellence » à la française. Une excellence qui a un prix d’ailleurs : des bouteilles à 400 ou 500€ la bouteille, on en trouve peu ailleurs qu’en France !

Quels sont selon vous les points forts de la France ?

En France, on possède une diversité qu’il n’y a pas ailleurs. L’industrie du vin est très fragmentée : on ne compte pas beaucoup de grandes entreprises, de géants comme il peut y en avoir dans d’autres pays. Ce sont majoritairement des petits producteurs. Et c’est un vrai avantage. Nous avons un savoir-faire, une culture centrée autour des produits du terroir.

Que pensez-vous de l’offre viticole française ?

Elle a beaucoup évolué. Avant on faisait ça par tradition sans vraiment prendre de risques. Mais depuis quelques années, les grands vignerons français ont accentué leur travail de la vigne. Le raisin est plus fin, plus mûr. Cela produit des vins plus intéressants ! Dans des régions comme le Languedoc-Roussillon ou la Provence, on trouve désormais de très bons vins et plus seulement des vins de tourisme.

L’offre s’est donc améliorée ?

Aujourd’hui, il est clair qu’on boit les meilleurs vins qu’on n’a jamais bus ! Mais tout n’est pas rose non plus. Les vins français ont aussi perdu beaucoup de segments de marché avec la multiplication de l’offre étrangère. Il faut aussi avoir à l’esprit que les appellations françaises sont compliquées, même pour les Français ! Heureusement, grâce au travail de certains organismes, comme Sopexa par exemple, des régions ont pu se développer à l’étranger. En Asie par exemple, les vins français marchent très forts.

Comment faire rayonner la culture et la gastronomie française?

En en parlant, tout simplement. Quand on veut faire aimer quelque chose à quelqu’un, il ne faut pas l’imposer. Pendant des années, nous avons voulu, d’une certaine façon, imposer notre « excellence », ce qui n’a pas plu à tout le monde. Il faut reconnaître que les grands vins sont partout. S’il n’y avait que des vins français, on s’ennuierait ! Mais lorsqu’on croit en nos produits, il faut les comparer sans combat, en parler, sans dénigrer l’offre étrangère.

Le conseil d’un pro sur ce qu’il faut boire à Noël ?

Un vin doux naturel comme le Rivesaltes Ambré, accompagné d’un pudding de Noël, servi chaud avec de la glace à la vanille… Le pudding n’est pas vraiment français, mais cela vaut le coup de troquer la traditionnelle bûche au beurre pour ce gâteau aux fruits secs !

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